Jeudi 9 mai.
Avec C. nous décidons d’aller à la foire agricole de Tarascon mais nous ne verrons pas plus loin que la buvette sous la halle aux pommes de terre. Il porte un cycliste et une gourde dans sa main gauche, je comprends plus tard que c’était seulement un déguisement pour décourager sa femme de l’accompagner, il est venu en voiture. Nous discutons de nos vies, ou plutôt je l’écoute me parler de la sienne et déformer la mienne. Il a une descente de fils du bloc de l’Est et la nervosité de ceux que le repos épuise. Cloîtré chez lui toute une semaine sans le malheur de ses patients pour lui faire oublier celui de sa vie, il va au Carrefour contact de Foix dès le matin pour y acheter un pack de bières et occupe le maquis de son pavillon depuis son nouveau salon de jardin. Malgré tout, derrière ses dents, c’est moi qui n’ait pas l’air d’aller très bien, pourtant, c’est son chat à lui qui l’a quitté en disparaissant la semaine dernière, le mien dort toujours heureux entre mes bras. Comme je ne fais pas semblant de savoir gérer ma vie et que je n’ai d’avis définitif sur rien, je semble minable à ceux-qui-savent-et-font-en-sorte-que (pire race) Je n’existe d’ailleurs que pour leur permettre de se rassurer. Je suis l’auditoire des désordres et des leçons de morale mixées en velouté. C’est impossible pour eux de faire des choix qui rendent triste sans pour autant les regretter et de ne pas saisir les occasions. Ces cons croient au destin, à la chance comme au mérite, ils pensent au delà de ce qu’ils peuvent parce qu’à la fin ils terminent bien, d’une vie riche de livret de famille en livret A - des preuves tangibles, des résidus et tous les désirs bien vécus sous une apparente propreté. Lorsque je rentre, Perceval à de la sève plein les poils, la terre est froide sous l’herbe douce et je grignote les fraises sauvage du massif devant la maison, puis nous nous dépouillons dans le jardin, beaux d’être peu et sûrs de rien.
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